Little Louie Vega

Little Louie Vega

Véritable légende vivante et moitié des Masters At Work (avec Kenny Dope), Little Louie Vega était à Paris pour la sortie de son album « Elements Of Life ». Nous avons sauté sur l’occasion de le rencontrer.

Lemon Sound : Ton nouvel album « Elements of life » vient tout juste de sortir. Tu peux nous en dire quelques mots ?

Little Louie Vega : « Elements of life » est un album très personnel. Il évoque en quelque sorte des choses qui me sont chères, ma famille et ma vie en général. J’ai beaucoup voyagé à travers le monde depuis plus de dix ans et j’ai découvert de nombreuses cultures, de nombreuses langues et cet album a été pour moi une façon d’unifier tout cela. Il représente beaucoup de choses et a une saveur particulière pour moi. Je l’ai fait pour mon fils, ma femme, il est un peu le reflet de tout ce que j’ai pu voir et faire.

Tu as été nominé quatre fois aux grammy awards dans ta carrière, est ce que cela t’a aidé dans ton travail, de quelque manière que ce soit ?

Oh tu sais, cela fait toujours bien d’être nominé pour un grammy, tu entends les gens autour de toi dire « oh, c’est génial tu es nominé pour un grammy ! » mais ce n’est pas pour autant qu’un artiste viendra te voir en disant « je veux travailler avec toi ! », non, c’est plutôt ce que j’ai fait par le passé qui attire les artistes.

Ce que vous avez produit toi et Kenny, a quelque peu révolutionné la façon de faire de la house, penses-tu que cette musique puisse encore évoluer ?

Bien sûr, il y a toujours moyen de faire évoluer la musique, c’est juste une question de créativité et de volonté d’expérimenter de nouvelles choses. La grande majorité des producteurs veut que les choses évoluent encore et toujours, pour résister et se démarquer. C’est quand tu es innovant que tu résistes, quand tu crées des choses qui ne sont pas conventionnelles. Kenny est en train de s’essayer à de nouvelles choses, et tous les deux, nous continuons à essayer de faire évoluer notre musique, d’être le plus créatifs possible. Pour notre prochain album, qui s’appelle « the MAW electronic », nous avons essayé d’innover encore, de créer des sonorités nouvelles.

Tu as joué durant trois ans au Dance Ritual à New-York et aux Magic Sessions à Miami pendant onze ans. Es-tu toujours aussi fidèle ?

Oui, c’est très important d’avoir un endroit dans lequel je me sente comme à la maison lorsque je joue à New-York. Ainsi, après le Sound Factory Bar qui a été ma résidence de 1991 à 1996, j’ai tout de suite embrayé sur une résidence au Dance Ritual. A cette époque nous étions dans une bonne période musicalement, je voulais que cela continue et c’est pourquoi il était important pour moi d’avoir ma résidence en permanence, d’avoir ma soirée pour pouvoir être moi-même et faire ce que j’aime, entouré de personnes qui étaient un peu une seconde famille. Aujourd’hui j’ai ma résidence au Cielo avec Blaze et c’est génial aussi, c’est une soirée fantastique. Elle est assez récente mais on ressent déjà une très bonne vibe, beaucoup de gens commencent à venir. C’est une fête dédiée entièrement à la house, et puis l’endroit n’est pas très grand, il peut accueillir environ cinq cents personnes. Pour les Européens, cela peut surprendre, certains sont habitués à des soirées dans des lieux immenses et ils se retrouvent dans une sorte de fête privée, très intime. C’est un lieu idéal pour rencontrer du monde, pour partager des choses.

Peux-tu nous dire quelques mots sur Larry Levan et sur le mythique Paradise Garage où tu allais quand tu étais plus jeune ?

J’allais au Paradise dans les années 80, c’était mes premières soirées en club ! J’ai découvert cet endroit grâce à l’un de mes voisins qui était membre du Paradise et il n’arrêtait pas de me dire « viens avec moi dans ce club, je sais que tu vas adorer ! », car il savait que j’étais DJ, j’avais fait mes premiers pas en 1978. J’avais déjà été dans quelques soirées, mais lorsqu’il m’a emmené là-bas, j’ai d’abord trouvé cela plutôt lugubre…Mais lorsque j’ai découvert le sound-system, ce fut extraordinaire, c’est le meilleur que j’ai connu dans toute ma vie…Et que dire de Larry Levan, de sa façon de jouer, de sa manière d’appréhender le sound-system, il te transmettait de la joie en permanence ! Il te parlait à travers sa musique ! C’était vraiment quelque chose d’autre…

Et quelle est la principale différence selon toi entre le Paradise Garage et les clubs d’aujourd’hui comme le Shelter par exemple ?

Les clubs d’aujourd’hui tels que le Shelter ou le Cielo et les endroits où l’on joue en général te transmettent de l’énergie. Au Paradise Garage, c’était différent, déjà parce que c’était une l’époque était différente et surtout parce que là-bas on te transmettait un esprit, une façon d’appréhender la musique, comment la jouer, comment mettre un disque, tout cela il y a 25 ans. Aujourd’hui, c’est surtout le feeling des gens qui compte. A l’époque du Paradise Garage, le public était presque exclusivement composé de New-Yorkais, aujourd’hui il est plus hétéroclite, avec beaucoup d’européens qui se mélangent aux New-Yorkais et cela donne une communauté fantastique.

Tu as produit de nombreux styles de musique mais jamais de Techno, pourquoi ?

Pour moi la Techno est une musique un peu « froide », ce que je produis est plus chaleureux. Néanmoins je pense qu’avec notre prochain album, « the MAW Electronic » nous allons plaire davantage à ceux qui aiment la techno, sans doute parce que cet album sera plus électronique et moins chaleureux mais il y aura toujours un côté « soul », bien entendu. Je pense que tout cela dépend avant tout des personnes avec qui tu collabores. Petit à petit nous progressons, nous rencontrons des DJ’s et producteurs plus techno, notamment pour notre prochain album, MAW Electronic.

Tu as joué dans des clubs à travers le monde entier. Quels sont les pays ou les clubs dans lesquels tu préfères te produire ?

J’adore des pays très différents. Grâce à mon métier, j’ai eu la chance de pouvoir voyager énormément. Je peux créer une énergie dans des endroits différents. Je prends beaucoup de plaisir, que ce soit au Japon, où c’est extraordinaire, en Italie aussi, en France, dans les pays du Royaume-Uni, en Grèce. J’adore aller dans tous ces endroits, c’est toujours un plaisir de découvrir des gens différents, heureux de se retrouver en club. La meilleure chose que nous apporte cette musique et le métier que nous faisons, c’est que quelque soit l’endroit où tu vas, tu vois ces petites communautés se confondrent, passer un moment agréable avec toi et tu vois qu’ils adorent ce que tu fais. C’est un peu comme une fête qui aurait lieu tous les jours, parce qu’à chaque fois que tu vas dans un endroit différent, tu rencontres de nouvelles personnes, tu passes un bon moment, tu joues ta musique, tout le monde se sent bien et tu attends que ça recommence, encore.

Est-ce que tu varies ta façon de jouer selon le pays dans lequel tu joues ?

Cela dépend, j’ai souvent avec moi des disques que j’emporte partout, mais quoiqu’il arrive j’apporte toujours une grosse collection, car j’adore aussi aller dans différents endroits et faire ma sélection en fonction du lieu et des gens. Tu as les disques que tu joues mais tu dois aussi faire plaisir aux gens alors cela va dépendre de ce qu’ils attendent. Mais en tous cas, je suis toujours moi-même, je joue toujours la musique que j’aime et même si je dois avant tout faire plaisir aux gens, je ne me vois pas jouer quelque chose qui ne me plaît pas.

Y a-t-il un disque en particulier que tu emportes toujours avec toi ?

Il y en a beaucoup, oui. J’emporte toujours des classiques avec moi, bien sûr mais aussi des nouveautés. Dans ce cas je joue des morceaux quatre ou cinq mois avant leur sortie officielle parce que j’ai besoin d’être tout le temps au courant de ce qui va sortir. J’ai toujours avec moi aussi les chansons de Stevie Wonder, bien sûr la collection des morceaux MAW, du Nuyorican Soul, les morceaux d’Elements of Life. J’apporte également tous les disques de mes amis, Joe Claussel, les productions de Gregory également, j’adore ce qu’il fait, sa musique…Celle de Franck Roger, celle de Martin Solveig…C’est important pour moi de jouer la musique des gens que j’apprécie. J’emporte aussi les disques de gens que je connais moins…beaucoup de choses en fait !

Y a-t-il des DJ’s ou des artistes avec lesquels tu rêverais de travailler ?

Bien sûr, je veux constamment travailler avec des gens talentueux, avec des nouvelles personnes. Je pourrais te donner une longue liste : Stevie Wonder, Air… J’aime tous les styles et je pense qu’il y a beaucoup de créativité dans chacun d’entre eux.

Beaucoup de gens rêvent de vous voir jouer ensemble, toi et Kenny. Y a-t-il une chance pour que l’on vous entende un jour à Paris pendant toute une nuit ?

Nous avons joué tous les deux une fois au Queen mais pas toute la nuit. Lorsque nous jouons tous les deux, dans le cadre d’une nuit « Masters at Work », c’est en général du début à la fin. Cela dépend des soirées, des endroits. La plupart du temps nous avons des résidences, des nuits entièrement dédiées aux MAW mais de temps en temps, nos sets vont être plus courts. A Paris, le public est tellement extraordinaire, il nous supporte depuis toutes ces années, il mérite sans nul doute de nous voir nous produire toute la nuit.

Quels sont tes autres projets pour l’avenir ?

Comme je l’ai dit, je travaille sur le second volet de « Elements of Life » qui sortira en septembre. Nous avons prévu aussi une tournée avec toute l’équipe, avec douze dates en Europe, pour le seul mois de juillet. Nous irons entre autres, en Grèce, en Espagne et dans de nombreuses villes fantastiques. Je ferai cette tournée avec Blaze, Raul Midon et Anané. Beaucoup de ceux qui ont écouté le disque l’apprécient, je pense que le deuxième opus sera génial. J’ai contacté beaucoup de mes amis, certains ont déjà remixé l’album, ils vont créer de nouveaux morceaux à la suite de cela. Il y aura cinq nouveaux morceaux sur l’album. Kenny Dope a fait un mix, Spina, Jazzy Jef et Glenn Underground aussi, Frankie Feliciano également, tous mes amis ont fait de superbes remix des morceaux. J’ai fait une nouvelle chanson avec Blaze, une autre avec tout mon groupe, une avec Anané, une autre avec Raul Midon. Puis il y aura le MAW Electronic pour 2005, Kenny et moi avons déjà terminé une chanson qui sortira en single à la fin juillet, cela s’appelle « in the real world ».

Tu auras quarante ans l’année prochaine, penses-tu travailler autant dans le futur que par le passé ?

Je continue à beaucoup travailler, je n’ai même jamais autant voyagé qu’en ce moment mais cela devient pesant. Ma façon de travailler dépend vraiment de l’état d’esprit dans lequel je me trouve, quelques fois je peux travailler sur dix disques en même temps, des fois je peux ne rien produire du tout. En ce moment je suis dans une bonne période, je me sens très créatif, j’adore toujours autant être DJ. Je ne me vois pas pour autant faire le DJ jusqu’à 50 ans mais j’espère pendant cinq ans encore, je suis tellement excité à cette idée !

Interview réalisée par Julie D. & Arno P. le 21 Juin à Paris. Merci à Solenna & à toute l’équipe Nocturne.