Jori Hulkkonen

Jori Hulkkonen

« Sunglasses At Night » de Tiga et Zyntherius, ça vous dit quelque chose ? Eh bien Zyntherius n’est autre que Jori Hulkkonen ! Jori Hulkkonen est la petite touche scandinave chez F COM.

Lemonsound : Je suis une très grande fan du morceau « Sunglasses at night », peux-tu nous raconter la petite histoire de ce morceau ?
Jori Hulkkonen: Je jouais dans un club à Montréal en 2000 et Tiga m’a invité à venir jouer pour le nouvel an. Après ça on eu quelques jours de flottement où on avait rien à faire, alors pour s’occuper on s’est dit « Tiens on va faire de la musique ! ». On avait bien aimé le son de Miss Kittin « Sweet Dreams », l’idée de mettre de l’éléctro avec des chansons des années 80 on avait trouvé ça plutôt cool. En une nuit on a fait 4 morceaux dont « Sunglasses at night ». On les a oubliés pendant un moment et on était à Miami en 2001 et on s’est dit que ce morceau était vraiment bon et qu’on allait le passer à Hell, je le connais depuis longtemps et je savais qu’il allait adorer. Et voilà comment « Sunglasses at night » est devenu un hit !

On dit souvent de toi et de ta musique, que c’est la fusion parfaite entre le feu et la glace ? Pourquoi cette comparaison à ton avis ? T’en penses quoi ?
Je viens du Nord de la Finlande, et comme il n’y a pas beaucoup de son qui vient des pays Scandinaves, ça a un petit air exotique. Surtout avec nos 6 mois de nuit en hiver, il fait sombre et tout, et si les gens gardent cette idée en tête, ils la transposeront aussi sur la musique qui vient de là-bas. Personnellement je ne vois pas comment les gens peuvent se rendre compte de tout ça dans ma musique.

Pourtant tu as toi-m qualifié ta musique, comme la rencontre entre les beats de Detroit et de Chicago, et la trance allemande. C’est peut-être ça le feu… la glace ?
J’ai déjà des problèmes à me définir moi-même. Quand j’ai commencé à faire de la musique, à la fin des années 80, la scène électronique se limitait à la techno, la house et l’éléctro. Et c’est tout !!! Et toutes les musiques étaient reliées, quand tu allais dans un club, tu pouvais entendre de tout, de la soul, du funk, de la techno… C’était un vrai melting pot, et c’est ça qui m’a inspiré pour ma musique. J’aime pas trop cette manie de toujours vouloir attribuer une étiquette à tout prix. Pour un artiste c’est toujours un grand dilemme d’avoir son style propre et de suivre le mouvement, sans pour autant se répéter ou copier. C’est un jeu difficile où il faut trouver un juste équilibre.

Pourtant il y a des artistes qui ont leur propre style, comme par exemple Laurent Garnier. D’ailleurs j’ai lu beaucoup de critiques qui comparait ton dernier album au dernier de Laurent Garnier. C’est dû à quoi à ton avis ? Parce que vous êtes du même label, vous avez les mêmes influences, où peut être parce que l’éléctro prend une nouvelle voie ?
Je pense que Laurent et moi nous partageons le même passé musical et en même temps on suit de très prés ce qui se passe. En juin j’étais en Allemagne pour jouer, et Laurent y étais aussi. On s’est retrouvé dans une voiture en route pour Amsterdam où un autre set nous attendait tous les deux. J’ai commencé à lui faire écouter des morceaux que j’allais mettre dans mon nouvel album, et il a halluciné, il m’a dit « Putain faut que t’écoutes des morceaux de mon nouvel album !!! » Et c’est vrai que nos deux albums se ressemblent pas mal, et pour moi c’était comme une confirmation, si Laurent a suivi cette voie, c’est que ça doit être la bonne. Je crois que c’est le moment d’expérimenter dans la house, parce que ça fait un moment que ça stagne un peu. Et les albums sont le meilleur moyen de faire découvrir de nouvelles choses au public.

Comment perçois-tu la scène électronique française ? Et le public ? Pourquoi ne viens-tu pas plus souvent ?
J’avais l’habitude de venir très souvent en France, à tel point que c’était même devenu une blague ! Je m’explique, les DJs Français voyageaient aux quatre coins du monde pour mixer, et moi je jouais de plus en plus souvent en France, au point d’être presque confondu à un résident français comme un autre ! Mais sinon, au fil du temps c’est intéressant de voir comment la scène française a pu évoluer. Quand j’ai signé chez F COM, la scène électronique était assez insignifiante au niveau de tout ce qui était dance music. Les choses ont évolué, c’est devenu une mode, puis les choses se sont calmées, et maintenant il ne reste plus que les gens motivés par le son, pas par l’argent. La France est un des endroit les plus agréables pour mixer, parce que le public y est très réceptif, il suit la musique, il la connaît et connaît les DJs qui jouent aussi. On y décèle encore une véritable sincérité, alors qu’en Angleterre par exemple le public est vraiment blasé ! Quand on pense que pendant plusieurs années le public Anglais a eu la chance de voir les plus grands DJs éléctro du monde, et cela tous les jours de la semaine pendant plusieurs années, les gens sont devenus beaucoup plus cyniques à l’égard de cette musique.

Et en Finlande ça se passe comment ? Le public et la scène éléctro ?
La Finlande est un pays très grand, mais peuplé de seulement 5 millions de personnes, éparpillées à travers le pays. C’est donc très difficile de rassembler du monde dans des boîtes de nuit, surtout de manière régulière. Sur l’année y a quelques événements, et deux ou trois clubs qui tournent assez bien, mais c’est tout. Et de toute façon en Finlande on a pas eu de « vagues » genre disco, rock, techno… Les choses sont restées assez stables au fil des ans.

En Finlande votre hiver dure 6 mois, et il y fait nuit pendant toute cette période. Est ce que ce climat a influencé ta musique ? Comment les gens réagissent-ils face à cette particularité climatique ?
C’est clair que les gens se comportent différemment à cause de ça, ça agit directement sur le mental des gens de rester dans le noir pendant 6 mois, d’ailleurs le taux de suicide en Finlande est le plus élevé au monde… Mais en été c’est vraiment génial ! Un tel paradoxe est assez difficile à gérer pour quelqu’un qui n’en a pas l’habitude. Mais je ne vois pas comment les gens peuvent le ressentir dans ma musique. Avant certaines personnes me disaient qu’on pouvait vraiment se rendre compte de la période à laquelle j’avais fait tel ou tel morceau, que ça soit en été ou en hiver. Je n’y crois pas trop, mais s’ils le disent… Faut dire que je suis né là-bas, pour moi ce climat est normal, c’est vrai que c’est différent mais j’arriverais pas trop à le décrire.

Tu es un très gros travailleur ! Tu travailles avec des labels différents, des artistes différents, des concepts différents… Pourquoi tant d’ardeur à la tâche ? Pour tes fans, pour toi-même ou parce que tu en as l’occasion ?
Principalement pour moi. J’aime faire de la musique, c’est ma force motrice. C’est un moyen tellement merveilleux pour s’exprimer. J’adore voyager et mixer aussi, mais je trouve que ça prend beaucoup de temps, un temps qui serait plus utile consacré à faire de la musique. Je suis obnubilé par la structure, la structure est pour moi la base de toute la musique. La plus petite mesure que l’on puisse avoir en musique, c’est la chanson, puis l’album, puis le set, et enfin toute ta carrière. Je tiens beaucoup à l’évolution de ma musique, à ce besoin de construire quelque chose. J’aimerais laisser une histoire derrière moi, avec une bonne conclusion.

Tu as déjà décidé à quel âge tu arrêteras de jouer ?
J’ai pas encore décidé, mais je ne continuerais pas si je n’en vois pas l’intérêt au niveau créatif. La musique n’est pas une monnaie d’échange à mes yeux, ni un piédestal vers le succès et la richesse. Je m’arrêterais quand je sentirais le moment venu. C’est peut-être demain, peut être dans un an… Qui sait ?

Tu te rends compte que tu penses très différemment des autres ‘DJs… ?
C’est peut-être dû au fait que j’ai commencé par faire de la musique électronique avant de mixer. J’ai commencé à mixer en 95, mais j’étais un artiste depuis 88 déjà ! J’ai donc une approche un peu particulière de l’éléctro. A l’ époque la musique électronique n’existait pratiquement pas en Finlande, mais moi je vivais près de la frontière suédoise, et j’écoutais de l’éléctro sur les radios suédoises. Et cette musique m’a tellement inspirée, j’ai voulu en faire ! Et surtout que j’ai appris par la suite que les types faisaient ça chez eux avec quelques machines, c’était parfait ! Ca ne m’intéressait pas trop d’être dans un groupe, je suis un vrai passionné, et devoir dépendre de tout un groupe ça m’aurait rendu dingue ! Avec un groupe faut savoir faire des compromis tout ça… impossible ! Et malgré tout, je n’avais toujours pas envisagé la possibilité pour moi de me produire sur une scène et de mixer devant des gens qui aimeraient ma musique… Je crois que je suis plus un artiste qu’un homme de scène.

Ta personnalité est un véritable mystère pour ton public, et ta musique est tellement différente de ce qu’on peut entendre généralement. N’as-tu pas peur d’être jugé trop excentrique par ton public ?
Je ne fais pas ça pour rendre mon public heureux mais pour faire de la bonne musique, de la vraie musique. Ma personnalité n’a pas a entré en jeu. Je crois que les artistes n’ont pas d’obligation à part de faire de la musique honnête, de faire quelque chose de sensible et de vraie, et en constante évolution. Je considère donc que ma musique devrait suffire à mon public.

Pourquoi n’as-tu pas plus de résidences à travers le monde ?
J’en sais rien ! Mais j’en ai une à Istanbul et une à Helsinki. Pourtant j’aime bien l’idée d’avoir une résidence, ça cadre bien avec mon idéal de continuité, de structure. C’est aussi bien de débarquer sur une scène inconnue et de trouver ce qui fait danser les foules…

Dernière question, peux-tu nous raconter une histoire drôle qui t’es arrivé pendant l’un de tes sets ?
C’est plus une drôle d’histoire qu’une histoire drôle. J’étais quelque part en France avec Alex Kid et David Duriez, et c’était la nuit la plus ennuyeuse que j’ai jamais eu ! On ne savait pas quoi faire, alors on s’est mis à boire pas mal, de la vodka je crois. Et y avait que l’un d’entre nous qui jouait, alors comme on était un peu joyeux je leur ai dit « C’est dommage, ils auraient dut nous mettre 3 paires de platines, comme ça on aurait joué tous les trois !!! » Et les autres de surenchérir « Ouais ouais ouais !!!! ». Quelques mois plus tard, je leur envoie un mail, et je leur dit « Les mecs, c’est bon je vous ai bookés pour un set avec 5 paires de platines… » Ils ont halluciné !!! Et on a fait cette soirée qu’on a appelé « The Ten TurnTables Nightmare » où 5 DJs jouent en même temps toute la nuit. Le concept c’était aussi de ne faire ça qu’une seul fois dans un pays. On l’a déjà fait en Finlande, en France, en Hollande et au Danemark… La prochaine fois ça sera peut être à Londres, en Espagne… on verra !!

Interview réalisée à F-COM par Zara K. en mai 2005. Un grand merci à Jori Hulkkonen de nous avoir accordé un peu de son temps ainsi qu’à Tiphaine (F-COM) pour sa précieuse collaboration.