Entretien avec Electric Rescue aka D’Jedi

Entretien avec Electric Rescue aka D’Jedi

Salut Antoine, une petite présentation pour ceux qui par malheur ne te connaissent pas encore ?

Je suis un ancien jeune paumé tombé par hasard un jour de 1989 sur un disque de house music.
En voulant rentrer chez moi, j’appuie sur le bouton n°4 de l’ascenseur au lieu du n°7, du coup je tombe nez à nez avec modske, mon plus vieux pote. C’est lui qui m’initiera à cette musique qui deviendra ma passion.
Cette passion m’entraînant à organiser des raves sur la région parisienne depuis 1993 (mentasm, el.ue, play …). En parallèle, j’ai pris les platines en 1990 pour commencer à mixer dans mes premières soirées en 1992. Depuis j’ai pu voyager un peu partout dans le monde grâce à mes deux labels Calme et Skryptöm et grâce à quelques chanceuses signatures sur des labels comme F com, Scandium, etc….
Aujourd’hui sur Paris je propose avec Maya les soirées PLAY (dernières raves electro techno parisiennes), et les soirées Automatik versus Skryptöm.
Côté productions, je produis le label Skryptöm, et pas mal de disques à venir pour mon plus grand bonheur sur des labels comme AFU, Eterno … Et j’espère bientôt votre plaisir

Depuis combien de temps tu organises les soirées Automatik versus Calme / puis Skryptöm ?

Je ne serais plus te dire exactement quand a commencé ma collaboration avec le Rex, c’était vers la fin des années 1990, avec Automatik, d’abord en tant que Dj puis après avoir créé le label calme, le Rex nous a confié la production de nos première soirées Calme le vendredi de temps en temps. Et oui tout d’abord Automatik versus Calme puis depuis cette année Automatik versus Skryptöm

D’où te viens cette vocation d’organisateur de soirées ?

Depuis tout petit, j’ai toujours eu ça en moi, j’organisais déjà des boums avec des copains et copines lorsque j’avais à peine 10 ans. Et puis dès l’age de 3 à 4 ans j’usais les disques de la famille, je les passais, puis repassais encore, du coup, ma famille, saoulée, m’a d’abord ligoté, mais devant la pression des pouvoirs locaux ils m’ont libéré mais m’ont confisqué les disques, radio et chaine hifi. J’ai donc squatté les salons et chaines hi fi des copains pour y organiser des boums. Je me faisais jeter par les papas videurs de mes potes, j’allais alors dans le salon d’autres potes pour recommencer et là, même scénario… Ça a duré des années jusqu’en 1989 où j’ai organisé une boum de plus de 300 personnes avec mon pote Modske, et là, comas éthyliques, pompiers, racailles de la cité d’à côté de Rueil Malmaison, où nous avons sévi pendant des années. Du coup, recherchés par tous les papas de Rueil Malmaison, nous sommes partis à la conquête de Paris et de l’Acid House avec Modske.
C’est un peu délirant ce que je te réponds mais c’est la stricte vérité un poil romancée…

À ce moment-là est ce que tu pourrais me parler des premiers disques que tu volais à tes parents, ceux que tu passais chez tes copains, puis dans les grosses boum de Rueil ?

Il y a des choses très honteuses, genre Wham, ou toute la pop bidon des années 80 mais aussi des choses cultes comme Depeche mode (que je suis assidûment encore aujourd’hui), The Cure, Michael Jackson, ou des choses plus pointues comme Kraftwerk, et du hip hop genre Mantronik, Beasty Boys…

Comment tu perçois l’évolution du public ? A Paris et en France ?

Le public est assez constant globalement avec ses hauts et ses bas. Je trouve que depuis quelque mois il y a nouveau public assez jeune et intéressant, très intéressé par la musique. Je trouve que chaque époque a son public avec ses qualités et ses défauts, mais globalement il est assez constant  sur paris, vraiment agréable pour ma part, pour celui que j’ai l’habitude de croiser. Le public Français est exigeant, mais il te le rend bien quand tu te donne à fond.
Le Clubbing en France est un peu bridé, mais ce n’est pas dû à son public. Il est bridé par les autorités compétentes (enfin je ne sais pas si c’est le bon terme) et par le milieu des clubs lui-même, par les patrons et les guéguerres de clochers. Exception Paris et Montpellier, où il se passe des choses mais il pourrait se passer d’autres choses car le public est demandeur mais le milieu est un peu à côté de la plaque.

A ton avis, comment fait on un bon club ?

Nous avons quelques bons exemples à paris et en province, mais la référence reste et restera le Rex Club. Pour faire un bon club il faut avant tout aimer la musique que l’on va proposer, vouloir gagner sa vie honnêtement, sans excès, et si on propose de la qualité l’opulence viendra au mérite.
Il faut être passionné de cette musique, mais pas seulement. Il faut aimer recevoir, y réfléchir, se mettre à la place du public, essayer de répondre aux attentes, dialoguer, écouter, s’intéresser à toutes les nouveautés artistiques, technologiques etc…
Il faut mettre en avant tout les aspects, la musique, la déco, les éventuels visuels, penser au confort, simplifier l’utilisation  du club pour le public, respecter le public avec la qualité de ce qu’on propose mais aussi dans l’établissement de sa tarification. Avoir un personnel sympa, souriant, accueillant et également passionné par cette musique.
C’est vraiment un système complexe ou rien ne peut être laissé au hasard, mais il faut cependant laisser la liberté à la musique et  à la créativité de chacun.
Lorsqu’on réunit tous ces ingrédients et si le public le décide, votre club peut fonctionner.

Cet énoncé rejoint-il un peu les principes de fonctionnement de tes labels ? et soirées ?

Oui cette définition a des particularités liées aux clubs mais dans ses grandes lignes elle s’applique à toutes les entreprises musicales. labels, soirées, concerts…

Parles moi un peu de Skryptöm…

Skryptöm se veut un label techno moderne, à mi-chemin entre la techno, la minimal et l’electro, avec une volonté de fraicheur et de tentatives personnelles. Avec Skrypöm, nous voulons créer un pôle d’artistes auxquels nous croyons très fort, qui nous font vibrer, et que nous poussons pour qu’ils aillent, avec nos moyens, le plus loin possible.

Les résultats sont déjà très visibles : )

Nous avons beaucoup de chance effectivement, les trois premières références sont assez fortes et nous travaillons dur en ce moment pour continuer à proposer quelque chose qui nous correspond, avec une force fédératrice et festive qui nous l’espérons touchera un public averti mais pas seulement, nous verrons bien.

Question fraîcheur et tentative persos, parle-moi de ta soirée Play Skull…

La Play Skull sera une ambiance que nous n’avions jamais proposée, et que nous ne pensions jamais proposer un jour. Le thème des pirates sur Paris, n’était pas évident, mais c’est faisable grâce à ce bateau pirate, unique sur paris. Un ancien bateau pirate d’époque, réhabilité et transformé en salle de réception pouvant accueillir 800 personnes. La déco intérieure est tout en bois sculpté d’époque. Vous pouvez trouver quelques photos sur notre site Myspace http://www.myspace.com/playparties
C’est un endroit qui n’est pas adapté à la base, d’ailleurs j’appréhende un peu, mais logiquement le bateau est chaleureux et l’ambiance devrait en découler de ce fait chaleureuse aussi… nous verrons bien. J’espère que les gens se lâcheront et se déguiseront un peu. Toute personne faisant l’effort se verra sévèrement récompensée…

Compte sur moi : )

Sinon côté musique, Tonio qui n’est plus à présenter, moi-même , Fred K un dj belge hybride !!! et Anima, un jeune issue de la vague minimal, mais un gars avec une grosse personnalité.
Je ne vous en dis pas plus faut quand même un peu de surprise…

Cet endroit insolite c’est un peu une manière d’avoir un esprit rave ?

Oui c’est la volonté exploiter un lieu décalé et plein de personnalité pour créer un instant éphémère mais inoubliable…

Est-ce que le thème de « pirate » a quelque chose à voir avec un quelconque piratage, ou est-ce que organiser des raves, ce ne serait pas être un peu un pirate de la techno ?

C’est plutôt le fait d’organiser des raves qui est un peu le fait d’être un pirate d’un système parallèle à celui que nos institutions imposent. Aucun rapport avec le piratage musical.

Quelles sont tes productions à venir, projets ?

J’ai la chance d’avoir une grosse actu avant l’été, environ une dizaine des disques à venir dont 2 AFU, 2 Electrochoc, 2 Eterno, un Skryptöm, Btrax, Amazone audio. J’attends surtout 2 sorties avec impatience, les autres aussi, mais ces deux la devraient m’aider c’est AFU et SKRYPTOM.
 Les autres projets sont la sortie de disques sur Skryptöm, un Popof, le mien donc, et un nto , suivront en fin d’année un album de Popof et de Julian Jeweil. Sinon côté soirées, continuer le Rex et les soirées PLAY bien sûr.

Comment tu opères pour le booking de tes soirées, au final on sent comme une grande famille qui se retrouve aussi un peu dans ton parcours et celui de tes artistes ?

Pour les booking des soirées au Rex ou les Play, je ne marche qu’à la musique, aucun copinage. Je booke les artistes qui me font vibrer sur disques, ou en dj et live. Lorsqu’on regarde les bookings faits cette année au Rex, on a déjà un bon quart de mon flycase : Popof, Dusty Kid, Len Faki, Stephan Bodzin, Thomas Heckmann, Umek, Boys Noize, euh !!! Moi aussi lol.
Voilà, donc j’opère uniquement par goût. En fait c’est la grande famille de mon fly case.
Et puis à 95% des cas, ces gars deviennent effectivement des relations suivies voir des potes comme Thomas Heckmann par exemple.

C’est cool que t’aies que des gens sympa ds ton flight
A propos, qu’est ce que tu peux nous dire sur le vinyl et le digital en tant que label manager, dj et producteur ?

Le vinyl est en décrue comme tout le monde le sait, et le mp3 est en recrue, donc c’est un peu l’histoire des vases communicants entre les deux supports, mais il est évident que le vinyl nous rapportait un peu plus que le numérique, donc les moyens réduisent mais la diffusion reste identique voir s’agrandit via le mp3.
Donc paradoxalement les artistes vendent moins de musique, mais sont plus connus. Pour les dates, il n’y a pas trop de changement, cela suit plutôt le nombre d’événement organisé dans chaque pays. Sinon au niveau support je suis plutôt vinyl et cd, je déteste Final Scratch ou Serato, j’ai besoin d’un support concret à réaction spontanée et instinctive. Le fait d’aller fouiller dans un ordi pour mettre de la musique ne m’attire pas du tout, mais je comprends que certains aiment. Et je comprends leurs motivations, qui ne sont pas les miennes.

Je voulais savoir aussi ta position sur le live set, est ce qu’un jour on te verra bidouiller des trucs, comme ça devant nous ?

C’est déjà le cas, je l’ai fait régulièrement un peu partout où j’ai joué avant 2007, car en 2007 j’ai préféré stopper un peu le live, pour affiner mon son, et maintenant que c’est fait il est possible que j’en refasse un au Rex à la rentrée 🙂
Et puis s’en suivront certainement d’autres un peu partout, mais je commence toujours par le Rex ou une Play. C’est un peu notre maison donc c’est plus facile pour une première d’être à la maison, et en même temps c’est l’endroit aussi où tu as le moins envie de décevoir. Ma réponse est un peu paradoxale, mais bon, à la maison c’est toujours bien 🙂

Le public français c’est un peu ton labo d’expérimentation ?

C’est le deuxième, le premier c’est mes « pauvres amis » et ma femme qui subissent toutes mes crises d’humeur.

Ah oui a propos de France et de maison, Ed Banger, ça t’inspire quelque chose ?

Pas grand-chose, je trouve que cette musique est parfois un peu vulgaire, mais en même temps, elle est festive et communicative. Elle est un palier à l’électronique, comme le fut auparavant la Trance, le Hardcore , la Tech House. Je trouve qu’elle a tout à fait sa place dans notre époque. Même si les sonorités sont super Old School, le travail lui est extrêmement contemporain. C’est facile d’accès, mais un peu trop gueulard pour moi, même si j’aime bien que ça pète en techno, j’aime que ça soit fait sans dégouliner. Par contre j’aime bien leurs codes, leurs couleurs, leur tenus vestimentaires, c’est extrêmement festif. J’adhère complet, on y retrouve beaucoup de codes des raves, mélangés à du rock tout ce que j’aime, mais la musique, j’adhère un peu moins. Enfin, y’a de bons trucs quand même, genre Boys Noize, mais ils tombent un peu trop dans leurs clichés, c’est dommage. Bref , je préfère la néo techno.

En fait t’es un peu le Pedro Winter de la nouvelle scène techno ?

Je ne me compare pas du tout à Pedro Winter, il est bien plus fort et puissant que moi. Le seul point commun qu’on aie, c’est que l’on n’hésite pas à aller fouiner des nouveaux talents (on ne fait pas de names dropping) mais ses pouvoirs sont bien plus grands que les miens lol. Ah oui sinon peut être les cheveux longs et la barbe, avec les joues bien creuses et les cernes de toxicomanes sans en être.
Quelles similitudes vois-tu entre Pedro et moi ? je suis curieux de comprendre ça…

Le lancement d’artistes sur une orbite assez immense : )
Quelle question tu aimerais que je te pose ?

Est-ce que tu as une dernière question à poser ?

Merci à Antoine (Electric Rescue) pour autant d’application à l’exercice de l’interview : )

Retrouvez-le Samedi 5 Avril pour la fameuse soirée Play Skull !

Maxime Gouache