Alex Gopher

Alex Gopher
Interview d’Alex Gopher – Alex Gopher est un des pionniers de la French Touch. Après des années plutôt discrète, il est revenu cette année avec un album éponyme (« Alex Gopher ») assez surprenant. Moins électro et plus acoustique, Alex Gopher est aussi déroutant que jouissif. Rencontre avec cet artiste au talent polymorphe.
Lemonsound : Cet album marque un virage important, un renouveau dans ta carrière artistique. Qu’est-ce qui t’a amené à changer de style musical ? Est-ce une évolution naturelle, une question de maturité ? Ou est-ce un choix conscient, une éventuelle envie de prendre à contre-pied tes auditeurs ?
Alex Gopher : La première raison de cette évolution est le fait qu’après avoir terminé l’album WUZ avec Demon, je n’avais pas envie de tomber dans la routine de compositions à partir d’empilements de samples. Nous avions été très loin dans ce sens pour cet album et j¹avais besoin de trouver une nouvelle manière de faire. J¹ai donc acheté un piano et une guitare acoustique en me disant que j’allais ainsi aborder la compo de manière plus classique, de cette manière que j’utilisais avant mon premier sampler et mon premier Atari. Nous étions à ce moment en tournée avec Etienne de Crecy pour Superdiscount 2 et après ces week-ends de pure techno dans des clubs ou festivals, j’avais envi de retour au studio de calme et de douceur : les ballades ont été les premières compos de ce disque. Les instruments utilisés m’ont naturellement amené vers un format beaucoup plus chanson. Et je me suis finalement retrouvé derrière le micro. Donc tout ceci n’a pas été un choix conscient et délibéré mais une orientation artistique qui s’est mise en place progressivement. Il restait sans doute aussi une certaine frustration de l’époque Orange (groupe que nous avions au lycée avec Jean-Benoit et Nicolas) de ne pas avoir réussi à faire notre disque rock. Un sentiment d’aventure inachevée.
Prendre à contre-pied l’auditeur n’est pas pour moi une revendication.
J’essaye plutôt de me surprendre moi-même.
Tu sembles te mettre plus en avant que sur tes anciennes productions.
D’où provient ce désir ?
Cela vient juste du fait que je chante. Au départ je ne pensais avoir que des gimmicks vocaux, ou faire appel à des guests pour chanter. Petit à petit s’est imposée l’idée (Etienne m’y a poussé) que le disque serait vraiment un disque de chansons et que j’en serais le principal interprète.
Quelles ont été tes influences, musicales mais aussi textuelles, lors de la réalisation de ce disque ?
Je n’ai jamais pensé ma musique en termes d¹influences. Avec Etienne (qui a produit le disque) nous nous sommes principalement efforcés de faire la musique que nous avions envie d’entendre à ce moment là. Après, bien sur, il est surprenant de voir à quel point la musique que j’ai écouté adolescent a pu remonter à la surface de manière aussi lisible. Xavier Jamaux (Ollano, Bang-Bang et ex batteur de Orange) a été le premier à me faire remarquer ces influences (NewOrder, Talking Heads, Love & Rockets). Bizarrement pour un artiste il est très difficile d’entendre ses influences dans sa musique et je suis toujours étonné quand j’entends parler de son 80’s pour ce disque.
Je n’entends pas ça mais je ne peux nier que la musique de ces années fait partie de moi. Quand aux textes, je n’ai pas cherché à faire de poésie, juste quelque chose qui devait bien sonner et évidemment parler de sujets qui me touchent et qui sont liés à la culture pop et rock : l’amour, le doute, le temps, la recherche de soi. Bill Pritchard, chanteur anglais m’a aidé à la correction de mes nombreuses erreurs linguistiques.
 
 
Est-ce que tes collaborations avec Etienne de Crécy, et surtout Demon (sous le nom de Wuz), ont eut une incidence quelconque sur cet opus ?
Avec Demon dans un sens opposé : faire quelque chose de totalement différent de ce que nous avions fait ensemble. Avec Etienne, les titres que nous avions fait ensemble pour Superdiscount 2 (Fast track et Overnet) ont été sans doute le point de départ d’une possible collaboration sur cet album. Il m’a été d’un grand secours dans la réalisation de ce disque, notamment dans le rôle de contradicteur. Quand on fait de la musique seul il est parfois très facile d¹être auto-indulgent, contrairement à un groupe ou les idées doivent être approuvées à plusieurs avant d’être considérées comme bonnes.
Comment comptes-tu appréhender la scène dorénavant ? Vas-tu t’entourer de musiciens pour rester fidèle au disque ou vas-tu le transférer en une version beaucoup plus electro ?
J’aborde la scène pour ce disque avec des musiciens : à la basse Flairs, à la guitare 25 hours a Day ou Pierre du groupe Housse de Racket selon les dispos de chacun, pour ma part je m¹occupe du chant et selon les titres 2ème basse ou 2ème guitare ou clavier. La rythmique est programmée (MPC) ce qui nous laisse une certaine couleur electro. Nous avons pris l’option de jouer les morceaux rapides de l’album plus quelques uns de mes titres electro revisités.
On connaît l’Alex Gopher artiste mais moins l’Alex Gopher label manager. Peux-tu nous parler de Solid : qu’en est-il exactement ? As-tu des sorties en prévisions ?
Solid, c’est une page qui s’est tournée. Il y a maintenant Pixadelic le label d’Etienne et Go 4 Music le mien. Nous n’avons pour l’instant pas les moyens nécessaires à la signature d’artistes.
Comment envisages-tu l’avenir de Solid, notamment avec la crise actuelle du secteur de l’industrie musicale ?
Ma démarche est de dire que l’avenir appartient aux indépendants. Je sorts ce disque en distribution chez V2. Ils ne s’occupent donc que de la mise en bacs et je dois gérer tout le reste. Beaucoup de choses à faire donc mais je pense que c’est peut être la solution pour ne pas se faire manger par l’industrie ou pour ne pas sombrer avec elle.
As-tu l’impression de faire partie de la scène « French Touch » ou d’évoluer en parallèle de celle-ci ? Comment vois-tu le développement de ce mouvement, au niveau national et international ?
La scène « french touch » est un grand fourre tout où chacun mets un peu tout et n’importe quoi. Elle était caractérisée au départ par de la musique plus ou moins instrumentale faite par des producteurs français et qui s’exportait. A part que ma musique n’est plus instrumentale, je rentre à peu près dans les critères. Mais ce qui a de toute façon fait la force de cette scène c’est son éclectisme, donc. Les nouveaux labels et producteurs émergeant comme Kitsuné ou Headbangers, ce n’est que du positif : ça redonne un peu de crédibilité à une scène qui l’avait un peu perdu dans la surenchère commerciale. Avec une musique qui est allé chercher dans l’énergie rock pour se renouveler mais qui a gardé quelques uns des fondamentaux de ce qui a fait le son français.
En France, cela a toujours été dur pour nous producteurs électroniques. Si cela doit prendre, cela viendra encore et malheureusement de l’étranger.
 
Loïc B.
Merci à Alex Gopher