09 Mar 2019
Mais le risque ne vaut-il pas la peine d’être couru? Pour la musique? Pour les moments privilégiés et les bonheurs qu’elle apporte? La musique qui « entraîne dans une étreinte furieuse nos sens et les sons » selon l’écrivain surréaliste égyptien Georges Henein. Moments intenses de plaisir, d’exaltation et de joies. Moments uniques qui ne se répéteront pas, car, ici, tout est « dans l’éclat éblouissant de l’instant », comme l’a écrit un autre amateur de jazz, Jean-Paul Sartre.
C’est pourquoi, le jazz ne se conçoit que vivant, en club de préférence, où il s’exprime le mieux, dans un contact direct entre orchestre et public.
Le lieu ne paye pas de mine, perdu dans la rue des Petites-Écuries, étroites et sans grâce, à quelques encablures des Folies Bergères et des grands boulevards, mais aussi de la Porte Saint-Denis, camouflée par des portes métalliques à peine visibles (heureusement balisées, depuis peu, par une enseigne lumineuse) s’ouvrant sur une salle que l’on dit sans confort, sans décor, « inachevée », avec des airs de studio, de club, de hangar, de grenier, de garage « mais aussi de rêve ouvert » : une « enclave de liberté ».
C’est là l’essentiel du New Morning : ses élégances ne se voient pas, elles s’éprouvent. Elles sont espaces distribués à la manière des théâtres antiques, autour de la scène, favorisant les échanges musiciens-public. Elles sont dépouillement, absence de tout ce qui pourrait distraire du point central : la scène. Elles sont surtout la priorité donnée au meilleur, à l’excellence de la musique, quel qu’en soit le prix (et tant pis pour le confort).
Droit d’écouter sans être dérangé. Pas de roulement de tambour, ici, à l’arrivée d’une personnalité qui ne sera jamais importunée. Respect de l’anonymat. Droit d’être seul à seul face à la musique.