Marc Cerrone

Marc Cerrone

Soonnight : Bonjour Marc Cerrone, merci à vous de m’accueillir dans vos locaux. Vous êtes un pilier de la scène française. Pouvez-vous nous expliquer votre parcours, pour ceux, qui sont ignorants de votre carrière.

MC : Comment ça, il y a des gens qui ne me connaissent pas ?? (rires) C’est difficile de vous expliquer mon parcours car il est très long. J’ai commencé, il y a très très longtemps en étant batteur d’un groupe vedette dans les années 72/73. Le groupe s’appelait Congas. C’était un groupe de Rock/afro, où les percussions étaient mises en avant. À partir des années 75/76, j’ai voulu faire cavalier seul, j’ai donc quitté le groupe et décidé de faire mon propre album Love in C minor. C’était un album dance, novateur car à la même époque en France, on écoutait Joe Dassin. Et lorsque je suis arrivé avec Love in C minor où la chanson faisait 16’30 de long, avec une batterie et un pied de grosse-caisse très en avant comme actuellement. Mais à l’époque, c’était choquant et les maisons de disques à qui j’ai proposé le projet m’ont toutes jetées. Donc, je me suis décidé d’aller faire fabriquer mon album à Londres. J’ai trouvé une boîte qui s’appelait Island, qui m’a fabriqué 5 000 albums. Ensuite, je les ai proposés à divers magasins en France donc Champs Disc qui était le repère des discothèques et dancings de l’époque J’ai laissé 300 albums au patron. Il m’appelle 2 jours après pour m’annoncer qu’un des magasiniers s’était trompé dans les retours pour les Etats-Unis et que mon album était parti là-bas. Le magasinier New Yorkais qui réceptionne les vinyls tombe sur mon album dont la pochette était assez provoc’. Il l’a écouté ! Coup de pot, il était Dj dans certaines soirées très Hot New Yorkaises, il a joué mes titres. Ensuite, c’est l’effet boule-de-neige ! Le disque a été N°1 avec 3 millions de ventes aux Etats-Unis, m’a ramené un prix. Ensuite, il est revenu en France, sous le label Atlantic records, qui était LE label, comme un import américain. De nombreuses maisons de disques m’ont contacté pour savoir pourquoi je ne leurs avais pas proposé le projet. Cela fait 33 ans déjà. Depuis, je n’ai jamais cessé. J’ai toujours cru que c’était un coup de pot et que cela n’irait pas plus loin. Donc, j’ai continué mes albums avec Paradise, Supernature….


Soonnight : Comment pourriez-vous décrire votre univers musical ?

MC : Le fait de monter mon propre label Malligator m’a poussé  à faire de la promo pour mes albums. J’étais le seul à avoir choisi pour média les discothèques, qui n’étaient pas un média à l’époque. J’ai été aussi l’un des tout premier à acheter les 4×3. Au lieu de mettre N°1 des discothèques, je mettais N°1 Disco. 3 ans ont passé et arrivé « Saturday night fever », le film disco. Donc, on m’a collé l’image disco. Mais la musique disco est tombée en désuétude. Aux Etats-Unis, on l’appelait la Disco Suck. Aujourd’hui, je m’éloigne de cette étiquette. Je me rapproche plus de la Soul Funk, car le disco de nos jours, c’est connu grâce à Bonney M, Born To Be Alive.

Soonnight : Vous avez vécu beaucoup de fabuleux moments, et il y a encore fort heureusement. Quel est le moment qui vous a le plus marqué ?

MC : Évidemment les débuts sont marquants. Lorsque l’on fait sa première TV à New York ou une scène avec Michaël Jackson ou Prince. J’étais dans le même label que Prince, on le voyait arrivé avec sa cape et son épée. On le prenait pour un fou. À l’époque, j’étais au top et lui débutait. Je pourrais vous citer aussi les soirées que j’ai pu faire au 54 où je rentrais avec Andy Warhol et où nous faisions les fous dans son loft. Donc ce sont des marquantes dans le bon sens du terme. Mais faire de gros événements au Japon ou devant le Château de Versailles devant 100 000 personnes, c’est marquant. Avec les projets que j’ai pour l’année prochaine, cela va me marquer aussi. J’ai la chance tous les 2/3 ans faire de gros événements.


Soonnight : Quel moment le plus fun vous restera en mémoire ?

MC : Il y en a tellement. Par exemple, pour ma première TV américaine, Atlantic Records m’avait dit de venir à l’émission American Baseline de Dick Clark, car il allait peut-être présenter mon album. C’était l’émission à ne pas rater. J’étais dans les coulisses. Je pensais que c’était un coup de pot et que cela allait s’arrêter après. Donc j’y suis allé pour profiter. Cette émission recevait chaque semaine un artiste vedette. Je me demandais qui cela pouvait être. En fin de compte, c’était moi. J’étais en coulisses lorsque j’entends Love in C minor. C’était du live ! Je monte sur scène, la batterie m’attendait. Heureusement que je suis un vrai musicien, car il n’y a pas de play-Back. Ma spontanéité a pris le dessus, j’ai sauté à la batterie et j’ai fait un show fantastique de 10 minutes. Ce show m’a propulsé. J’en ai gardé des émotions fortes.

Soonnight : Précédemment, vous parliez de Malligator, votre label. Quels étaient vos buts ou objectifs ?

MC : Je n’avais aucun but, c’était juste un moyen pour fabriquer mes albums. J’ai monté un label sans savoir ce que c’était.


Soonnight : Pourra t’on trouver de nouveaux artistes sur Malligator ?

MC : Cela n’a jamais été la vocation de Malligator de produire d’autres artistes. Il y a deux bureaux Malligator, un à Paris et l’autre aux Etats-Unis. Sur Paris, j’ai 7 personnes qui travaillent sur la marque Cerrone, et je peux vous dire qu’elles ont du boulot et n’ont pas le temps de s’occuper d’autres artistes. Les seules fois où j’ai produit d’autres artistes, c’était à la demande des maisons de disques. J’ai produit par exemple le premier album de la petite sœur Jackson. Maintenant, contenu de mon âge, je ne compte pas prendre un autre artiste.

Soonnight : Vous parlez de votre âge, mais pensez vous à un après Cerrone sur Malligator ?

MC : Non ! Disons qu’avec la force d’internet et grâce à tous les outils qui arrivent sur la marque Cerrone. En Octobre, on sort un jeu qui s’appelle « Cerrone Dj Mix ». De plus, il y a cette grande tournée de 4 ans, qui démarrera le 3 Juillet 2010. C’est un projet Green, très spécifique sur Supernature, que j’ai repris et adapté en opéra symphonique. C’est une énorme machine ! Chez Malligator, ils seront blindés de boulot pendant plusieurs années car ce sont des financements énormes, des concerts gratuits qu’il faut financer puis rembourser. Il y a beaucoup de sponsors et de sociétés partenaires sur le coup. Cela nous présume un certain nombre d’années d’exploitation, qui fait que je n’ai pas envie de m’occuper d’autres artistes car c’est trop compliquer. Et puis, aucun artiste a suscité un intérêt actuellement.

Soonnight : Quel est le concept de la tournée ?

MC : Le concept est très visuel. Il y aura des écrans géants qui démontreront les 34 ans de dégradations de la planète. Nous reprenons  l’album Supernature en Opéra Symphonique. Le texte de Supernature est très écologique. Il y aura 54 musiciens appuyés par un groupe électro.

Soonnight : Vous développez dans une précédente réponse toutes les possibilités qu’offre Internet. C’est une polémique assez rude sur la loi Hadopi sur le téléchargement. D’après vous, est ce que le téléchargement est le moyen de propagation de la musique ?

MC : C’est une question ? Évidemment que oui. Je ne suis pas contre la loi Hadopi comme cela a pu être dû à mon égard auparavant. Il s’avère  qu’au moment où l’on discutait à l’Assemblée nationale de la loi hadopi, j’avais pris la décision se sortir un album et de la mettre en téléchargement gratuit. Les Majors feraient mieux de s’occuper de leur développement, car je ne comprends pas comme moi, petit label avec un seul artiste, on a tellement de travail et de revenu qui rentre pour compenser la perte du pillage et de la vente CD. Au lieu de pleurer, les Majors feraient mieux de se « bouger le cul » et d’arrêter de penser qu’une loi va réguler les choses. Il faut arrêter de dire que le marasme dans l’industrie du disque est dû au téléchargement gratuit. Aujourd’hui la musique est incontrôlable, elle est partout. On n’a jamais autant consommé de musique. Il faut simplement trouver les outils pour que les rémunérations se fassent correctement car il est évident que si nous ne sommes pas rémunérés, nous allons mourir. Je prends l’exemple de mon album. Lorsque je l’ai mis en téléchargement gratuit, il y a eu autant de téléchargements payants que gratuits. C’est juste un modèle de promo. Comment faisait-on auparavant ? On disait que la vente de disques était gelée lorsque la radio a commencé à diffuser de la musique. Tout ça pour dire que le public n’est pas dupe.


Soonnight : Vous avez sorti un nouvel opus. Pourquoi avez-vous choisi Jamie Lewis ?

MC : Je me fais beaucoup remixer par divers artistes. Jamie Lewis est un grand DJ.Il a commencé à me remiser en 2004 en faisant un remix d’une chanson qui était une face B de vinyls. Puis, il en a fait d’autres. L’année dernière, il m’a demandé d’en faire un autre de plus, Tatoo Women. C’était au moment où je n’avais pas d’actualité, donc j’ai décidé de compiler tous les remix qu’il avait fait.

Soonnight : Donc l’élaboration de cet album a duré 5 ans ?

MC : Oui à peu près. Cela s’est fait naturellement et c’est que du bonheur. Jamie est un homme tellement gentil. Bien souvent, les grands artistes sont fort sympathiques et sont bien dans leurs baskets.

Soonnight : Après Jamie Lewis, avec qui aimeriez-vous collaborer ?

MC : Sa va peut-être paraître prétentieux car pour l’instant j’ai toujours collaboré avec qui j’avais envie. Il y a Eric Prydz, qui avait voulu remiser Supernature. J’étais ravi car j’aime beaucoup ses remix, ils sont originaux. Mais il m’a rappelé en me disant qu’il n’y arrivait pas. Il n’était pas content de lui. Autrement, je devais collaborer avec un Dj New Yorkais, mais le projet ne s’est pas concrétisé. En ce moment, je regarde de près les Dj Allemands, Hollandais et Suédois.

Soonnight : Laidback Luke est un Dj Hollandais très connu pour ses remix, vous avez déjà pensé à lui ?

MC : Oui, pourquoi pas, ce n’est pas impossible. Actuellement, je me concentre sur mon nouvel album qui sera orienté Electro. J’aimerais bien collaborer avec des gens comme Tiestö, c’est plus dans ma lignée.


Soonnight : Le 29 Mai, vous vous êtes produit en Belgique, étiez-vous l’investigateur de la soirée ?

MC : Pas du tout ! C’est une date que l’on m’a proposé. C’était un gros événement en Belgique.

Soonnight : À quand une date sur Paris ?

MC : L’année prochaine pour le commencement de ma tournée. Je n’ai pas envie d’être trop visible pour le moment. Auparavant, je faisais énormément le ShowCase. Actuellement, je suis trop impliqué dans la préparation de ma tournée que je n’ai pas le temps. Je dois préparer 20 dates à travers le monde, cela demande beaucoup de travail. Lorsque je prends des dates, c’est sélectionné.


Soonnight : Quel regard portez-vous sur la scène électro française actuelle ?

MC : Il n’y a pas grand-chose. J’ai beaucoup de mal à vous répondre. On se trouve dans une période de récupération, de recyclage. Il n’y a pas assez de nouveautés. Il y a très peu de nouveaux sur le marché.

Soonnight : Pensez vous que les Dj comme Arno Cost, Norman Doray, Arias ont un avenir ?

MC : Déjà, il faudrait que j’ail les voir. J’ai aussi mon fils Greg, qui est un Dj assez audacieux.C’est extrêmement « branchouille » !. Au niveau des sets qu’il produit, cela fonctionne fantastiquement bien. Il a aussi créé son propre label. Mais aujourd’hui, il n’y a pas un qui crée le buzz. En Suède, Eric Prydz a fait des choses sympas. J’espère que Greg fera parti des valeurs qui exploseront. Il a réussi à se faire un nom, se faire apprécier et respecter de la profession, car être le  fils « de », c’est difficile. Maintenant, il faut qu’il passe à la vitesse supérieure pour s’ouvrir au grand public.

Soonnight : Que peut-on souhaiter à Marc Cerrone ?

MC : Une bonne santé, car à mon âge, c’est ce que l’on espère. Étant batteur, après 2h de scène, ce n’est pas facile. J’aurais dû me mettre à la clarinette (rires). Pour un batteur, il n’y a pas un seul moment de répit. Je fais très attention à ma santé, j’ai une hygiène de vie digne d’un sportif. Mais mon objectif premier reste de réussir mon opéra Supernature.

Soonnight : Le mot de la fin…

MC : J’espère que l’on pourra se reparler dans quelques années !