Daft Punk

Daft Punk

Phénomène culturel et commercial de la fin des années 90, le duo Daft Punk a décomplexé le milieu techno français face à son maître britannique. Sa musique s’est enrichie d’un univers visuel fort inspiré des mangas japonais.

Guy-Manuel de Homem Christo (né le 8 août 1974) et Thomas Bangalter (né le 1er janvier 1975), dont le papa était actif dans la production disco des années 1970, se rencontrent sur les bancs du lycée Carnot à Paris en 1987.

Cinq ans plus tard, en 1992, ils montent un groupe, Darlin’, et enregistrent un simple sur un label anglais, Duophonic, label du groupe techno franco-anglais Stereolab. La presse d’outre-Manche célèbre honnêtement ce premier essai rock, qui se vend à 1500 exemplaires, mais un critique plus sévère qualifie la production du duo de « daft punk » soit de punk nul, qualificatif qui ne leur déplaît pas.

L’écho en France est à peu près inexistant, mais alors que la vague techno-rave envahit l’Hexagone, les deux compères, qui s’ennuient ferme dans leur groupe de lycéens, vont faire un tour à une rave géante dans le parc d’Eurodisney un soir de 1993. Là, ils rencontrent les responsables du label techno écossais, Soma. C’est donc avec eux que un an plus tard, le duo, qui a finalement pris comme nom « Daft Punk », sort un CD 2 titres « New wave » et « Alive », aux sons fermement plus techno que leurs productions passées. Ils retrouvent alors les compliments de la presse spécialisée anglaise.

Leur singularité vient du fait que, conscients des limites du genre, ils n’hésitent pas à intégrer dans leur techno, des sons disco, rock ou groove, et se revendiquent autant de Jimi Hendrix et des Stooges, que des pionniers du son house de Chicago au début des années 1980.

Depuis leur adolescence, et à la suite d’innombrables séances d’écoutes, de Bowie à Kiss, en passant par Television et Talking Heads, sans oublier l’indispensable Serge Gainsbourg, ils ont fait une synthèse inédite et savante avec la culture house techno des années 1990.

En mai 1995 sort le titre techno-dance-rock instrumental « Da Funk ». S’ensuit une année de tournées, essentiellement dans les raves de France et d’Europe, où le groupe obtient un énorme succès en démontrant son talent violemment énergique de DJs.

Ils font, à Londres, la première partie d’un de leurs groupes favoris, les Chemical Brothers. Très demandés, ils cultivent leur notoriété et leur expérience en pratiquant les remixes pour les Chemical Brothers, séduits par le duo frenchy, ou pour la chanteuse Gabrielle.

Repérés par les grandes compagnies de disques, c’est la firme Virgin qui signe le groupe en 1996. C’est sur une des compilations du label techno de Virgin, Source, que sort le titre « Musique » la même année. Source est alors le premier label à sortir Daft Punk en France.

1997 : « Homework »

Maîtres de leur travail, au sein de leur petite société, Daft Trax, les deux jeunes hommes font en sorte de travestir toute représentation de leur image, afin de conserver un maximum de tranquillité face au battage médiatique qu’ils provoquent.

Le 13 janvier 1997, ressort le simple « Da Funk », suivi le 20 du mois par l’album « Homework ». Selon les désirs du groupe, 50.000 exemplaires de l’album sortent en disques vinyles. Distribué dans 35 pays, ce disque se vend en quelques mois à près de deux millions d’exemplaires. Album concept, ce mélange des genres séduit la jeunesse du monde entier. Loué par toute la presse spécialisée, mais aussi par la presse généraliste, qui ne perd pas un instant pour analyser les raisons de ce succès foudroyant, cet album est célébré à la fois pour son énergie et pour sa fraîcheur.

Le 11 avril 1997, c’est au tour du titre « Around the World », cousin du tube pré-house des années 70, « Pop Corn », d’envahir les premières places des charts européens, mais aussi, fait nettement plus rare, des charts nord-américains. On retrouve même le titre « Da Funk » sur la bande originale de la superproduction hollywoodienne, « Le Saint », réalisé par Philip Noyce. Enfin, le groupe est invité à de nombreux festivals à travers le monde, dont le festival itinérant américain, Lollapallooza en juillet, puis les festivals anglais de Tribal Gathering, et de Glastonbury.

De octobre à décembre 1997, le groupe entame une large tournée mondiale de 40 dates qui les mène à l’Elysée Montmartre de Paris le 17 octobre et au Zénith le 27 novembre. Après Los Angeles le 16 décembre, ils sont à New York le 20. Devant un public fasciné et attiré par leur mystérieuse identité, le duo se lance dans un spectacle ambitieux qui dure parfois jusqu’à cinq heures.

A la mi-octobre, l’album « Homework » est double disque d’or en France, disque d’or en Angleterre, en Belgique, en Irlande, en Italie et en Nouvelle-Zélande, et enfin platine au Canada. C’est un succès sans précédent pour une formation française. Le 8 décembre 97, Daft Punk donne un concert au Rex Club, petite salle parisienne, avec Motorbass et DJ Cassius. Organisé au profit des enfants issus des banlieues défavorisées, le concert est gratuit en l’échange d’un jouet remis à l’entrée.

Etendard électro

Depuis leurs débuts, le duo cultive savamment sa notoriété grâce à un pseudo-incognito et une image de précurseurs indépendants. Fin 1997, ils entrent en conflit avec la deuxième chaîne de télévision française pour l’usage sans autorisation que ces derniers auraient fait de trois extraits sonores du groupe. Procédure à tiroirs, cette affaire dure des mois avant la victoire des Daft Punk au printemps 1998.

Figure de la musique électronique, les Daft Punk sont célébrés autant en Europe qu’aux USA. On peut les entendre ici et là, à Liverpool, à New York ou Paris. Leurs productions et leurs remixes sont toujours très attendus. Mais c’est un succès en solo qui envahit les dancefloors au cours de l’été 99. Sur son label personnel, Roule, Thomas Bangalter monte un groupe volontairement éphémère, Stardust. Leur titre, « Music sounds better with you » fait le tour du monde.

Très visuel, le travail du duo est mis en scène sur un DVD qui sort en novembre 1999 sous le nom de « D.A.F.T. A Story About Dogs, Androids, Firemen and Tomatoes ». On peut y visionner cinq clips dont quatre sont mis en scène par de grands noms du genre : Spike Jonze, Roman Coppola, Michel Gondry et Seb Janiak. Le cinquième est réalisé par le groupe en personne.

Près d’un an plus tard, sort le premier single original en deux ans, « One more time ». Vécu comme un événement, ce titre annonce un nouvel album prévu au printemps 2001. La sortie du single donne déjà lieu à du piratage – symbole du succès – puisque le titre est largement diffusé sur les sites mp3, en particulier Napster, puis en radio avant même sa sortie officielle le 27 septembre 2000.

Comme prévu, l’album sort dans un grand renfort médiatique le 13 mars 2001. Toujours pas décidés à dévoiler leur image, les Daft Punk se présentent au monde sous des casques et les mains camouflées dans des gants, le tout entre science-fiction et robotique. Intitulé « Discovery », le CD présente une pochette semblable à la précédente, le seul visuel consistant en le nom Daft Punk cette fois écrit en simili mercure donnant une sensation de relief. Toujours très dansants, les quatorze titres de l’album flirtent cette fois carrément avec le disco et les influences de leur enfance, de Paul Mc Cartney à Electric Light Orchestra. Après deux semaines d’exploitation, Virgin annonce que « Discovery » s’est déjà vendu à plus 1,3 million d’exemplaires.

Dans la même lignée – les souvenirs musico-télévisuels -, le duo demande au maître du manga japonais Leiji Matsumoto, créateur d’Albator ou producteur de Candy et de Goldorak, de créer le clip du morceau « One More Time ».

Très soucieux du contrôle de leur œuvre comme de leur promo, Daft Punk a inclus au CD une carte permettant d’accéder, via leur site internet daftclub.com, à des titres inédits. Ils cherchent ainsi à contourner le principe du téléchargement gratuit des sites Napster et consort. Pour eux « la musique doit conserver une valeur commerciale » (Source AFP). D’ailleurs, le groupe est toujours en conflit avec la SACEM, la Société de Auteurs Compositeurs et éditeurs de Musique, qui a un monopole de fait et non officiel dans l’Hexagone. Ils n’ont jamais voulu y adhérer et veulent gérer leurs droits eux-mêmes, ce que n’accepte pas la SACEM. Celle-ci refuse donc de leur verser les droits qu’elle a récolté depuis leurs débuts.

Pour satisfaire les fans, le duo français sort le 2 octobre 2001 un live d’une seule plage et d’une durée de 45 mn intitulé sobrement « Daft Punk alive 1997 ». Effectivement, celui-ci fut enregistré à Birmingham en Angleterre quelques mois après la sortie de « Homework » en 1997. Fin octobre, c’est un nouveau simple extrait de « Discovery » qui sort sur le marché, « Harder Better ».

Le duo masqué revient en 2003 avec un film de 65 minutes conçu avec Leiji Matsumoto : « Interstella 5555 ». Le dessin animé reprend le même univers de mangas japonais des clips de « Discovery ». Une fois de plus, Daft Punk exploite ses références à l’enfance. Un producteur sans scrupules vole l’identité d’un groupe de ‘martiens’ et les envoie conquérir le public terrien. Enfin – pour faire patienter? – « Daft Club » sort fin 2003 : un album de versions et titres inédits, de remixes de Cosmo Vitelli, Demon, Neptunes, Basement Jaxx, Gonzales etc.

2005 : « Human after all »

A l’automne, on commence à entendre parler d’un nouvel album. Le duo s’est en effet remis au travail. Très attendu, ce nouvel opus est annoncé pour mars 2005. A cause d’une fuite, « Human after all », c’est son nom, se retrouve en réalité disponible sur le net bien avant sa sortie officielle. Enregistrés en six semaines, les dix morceaux  proposent un mélange de guitares et de rythmes electro. La critique n’est pas enthousiaste, reprochant aux deux Parisiens une certaine répétition à la fois dans le style et dans la composition des morceaux eux-mêmes. Leur savoir-faire leur permet pourtant de concocter de potentiels simples, dignes d’enflammer les dancefloors. Le premier extrait s’intitule « Robot rock ».

En 2006, le groupe sort pour la première fois un best of (« Musique Vol. 1 -1993-2005 »). Il est constitué de onze extraits de leurs trois albums studio, de trois remixes datant de l’époque « Homework » et d’un morceau encore inédit jusque-là sur album : « Musique » (il n’était sorti que sur une compil du label Source). Pour les inconditionnels, une édition Deluxe propose le CD plus un DVD de douze clips, dont deux originaux : « Robot Rock » et « Prime Time of Your Life ». 

A printemps, le duo part en tournée. Etats-Unis, Belgique, Japon, France… Seules neuf dates sont programmées et les spectateurs sont au rendez-vous ! Avec pas moins de 35.000 personnes au festival Coachella aux Etats-Unis et 30.000 aux Eurockéennes de Belfort. Les « robots » ne sont pas morts. Si leur dernier disque n’a pas fait mouche auprès des médias et de certains auditeurs, les Daft Punk continuent d’animer les dancefloors pendant leurs concerts. Pour cette tournée, ils ont mis le paquet avec moult éclairages en forme de pyramide, des écrans géants sur lesquels défilent les paroles des chansons et, bien sûr, leurs incontournables déguisements d’hommes du futur…

Quinzaine des réalisateurs

En juin 2006, Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem Christo troquent leurs costumes d’androïdes pour ceux de réalisateurs. Ils sont invités au festival de Cannes pour présenter leur long métrage « Daft Punk’s Electroma ». Projeté lors de la Quinzaine des réalisateurs, ce film d’1h14 conte l’histoire de deux robots en quête d’humanité. Les images sont tantôt proches de la vidéo d’artiste, tantôt du clip ou de la narration cinématographique… Et la bande-son cousue avec des morceaux de Curtis Mayfield, Brian Eno ou Sébastien Tellier. Un univers particulier qu’il est donné de découvrir aux spectateurs seulement une seule fois par semaine, dans un cinéma parisien !

En 2007, le duo repart en tournée, avec seulement deux dates en France : un concert à Nîmes et un autre Paris-Bercy le 14 juin. Pour l’occasion, le Palais omnisport est transformé en un vaisseau spatial géant avec rayons laser, projections d’images de jeux vidéo et jeux de lumière flamboyants. Ce show survolté s’exporte aux Etats-Unis (Seattle, Chicago, New York, Las Vegas…) et au Canada (Toronto et Montréal) entre juillet et octobre 2007.

En 2009, Daft Punk reçoit deux prix aux prestigieux Grammy Awards américains : celui du meilleur album électronique pour « Alive 2007 » (album live compilant leur prestation au Palais omnisport de Paris-Bercy le 14 juin 2007 pour fêter leurs dix ans de carrière) et celui du meilleur simple pour « Harder Better Faster Stronger » dans la même catégorie. Le public américain a la chance d’apercevoir les deux Français en octobre 2010, à la fin d’un concert de Phoenix au Madison Square Garden de New York : affublés de leurs désormais célèbres casques de robot, ils provoquent l’hystérie des 20.000 spectateurs présents.

En juillet 2010, les Daft Punk sont faits chevaliers de l’Ordre des arts et des lettres.

On réentend parler d’eux quelques semaines plus tard, avec la sortie de la bande-originale du film « Tron, l’héritage » en décembre 2010. Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo l’ont entièrement composée à la demande de Walt Disney (producteur du film) et du réalisateur Joseph Kosinski, grand fan de Daft Punk. Pour coller au scénario (un père et un fils, experts en technologie, se retrouvent propulsés dans un jeu vidéo des plus dangereux), le duo marie synthétiseurs et orchestre symphonique. Une BO de 22 titres qui s’inscrit dans l’esthétique épurée des derniers albums. Très techno et dansant, le titre « Derezzed » semble taillé spécialement pour faire patienter les fans, qui réclament à corps et à cris un nouveau disque.